Evolution juridique d’une association



Confrontées à un environnement en perpétuelle évolution, mais aussi à des impératifs économiques qu’elles ne peuvent ignorer, de nombreuses associations sont amenées à évoluer et ainsi modifier leur structure juridique. Encadrée par un environnement légal strict, il est nécessaire de connaître les besoins et les buts de l’association pour définir la structure la plus adaptée à celle-ci.
Quelles sont les possibilités offertes par le législateur ?



I. TRANSFORMATION D’UNE ASSOCIATION


1) Transformation en GIE

a) Avantages
Le Groupement d’Intérêts Economiques a pour but de faciliter ou de développer l’activité économique de ses membres, d’améliorer ou d’accroître les résultats de cette activité. Il n’est pas en tant que tel amené à réaliser des bénéfices. Il repose donc sur une coopération de ses membres, notamment par la mise en commun de leurs compétences ou de leurs moyens (matériels, humains, financiers…).
Le code de commerce dispose que toute association dont l’objet correspond à la définition du GIE peut être transformée sans qu’il y ait lieu à dissolution ou à la création d’une nouvelle personne morale.

b) Limites
Il est impératif de signaler qu’une transformation en GIE entraine la responsabilité indéfinie et solidaire de ses membres. Ce qui, dans la pratique, cause souvent quelques réticences à une telle transformation.

c) Modalités
La décision de transformation doit être prise par les membres de l’association en Assemblée Générale, à l’unanimité de ceux-ci. Par ailleurs, le GIE possède les mêmes biens que l’association dont il est issu, ainsi que les mêmes droits et obligations vis-à-vis des tiers.
La transformation nécessite :

• D’une part, l’accomplissement des formalités habituelles en cas de modification des statuts.
• D’autre part, en même temps que l’immatriculation du GIE au Registre du Commerce et des Sociétés, deux expéditions du contrat de groupement et deux copies des actes de nomination des administrateurs qui sont déposés par l’intermédiaire d’un centre des formalités en annexe au RCS tenu au tribunal du lieu du siège social.


2) Transformation en Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC) ou Société Coopérative et Participative (SCOP)

a) Définitions et différences fondamentales entre SCOP et SCIC
Bien que par définition l’association soit une entité à but non lucratif, le législateur a créé pour celles désireuses de développer leur activité commerciale des formes juridiques hybrides leur permettant de concilier l’objet à caractère social tout en adoptant une structure entrepreneuriale. De type SARL ou SA, les SCOP et les SCIC sont une réelle opportunité pour les associations.
La transformation en SCIC est possible dès lors que la production ou la fourniture de biens et de services qu’exerce l’association conserve son caractère d’utilité sociale.
Concernant la SCOP, les associés doivent être réunis autour d’un même projet économique et des mêmes valeurs, et s’impliquer totalement dans l’entreprise. Elles peuvent être créées dans tous les secteurs d’activités : commerce, industrie, artisanat, services, multimédia et mêmes certaines professions libérales réglementées (architectes, géomètres-experts). Le caractère social apparaît dès lors moins évident pour les SCOP que pour le SCIC.

Attention, la transformation d’une association en une société commerciale ou en société d’économie mixte reste strictement interdite, même dans le cas où l’objet d’une telle société serai le profit économique et non pas le partage des bénéfices.

Comme vu ci-dessus, ces deux entités (SCIC et SCOP) confèrent le statut de coopérative. La principale différence réside dans l’obligation pour la SCOP que le capital soit détenu à hauteur de 51% minimum par les salariés. La SCIC, quant à elle, est obligatoirement un contrat triparti entre trois types d’associés : salariés, bénéficiaires du service, autres (à définir dans les statuts).

b) Avantages
Les raisons d’une telle mutation sont nombreuses :

• La principale raison qui a poussé le législateur à offrir cette opportunité aux associations réside dans la consolidation de l’emploi. En effet, la transformation en SCOP s’inscrit dans une démarche de développement local et durable où les salariés de l’association deviennent associés de la SCOP puisqu’ils doivent au minimum détenir 51% du capital.

• Quant à la SCIC, elle mobilise et sensibilise les différents acteurs en prenant en compte les intérêts de chacun (salariés, bénévoles, mais aussi les usagers habituels). En effet, pour constituer une SCIC, la loi exige la présence de 3 types d’associés qui doivent apporter le capital de la coopérative : salariés, bénéficiaires, et autres. Ce sont les statuts qui devront définir chaque catégorie d’associé. Ce multi partenariat ne doit pas être vu comme une source de conflit potentiel, mais au contraire comme un moyen de concilier les intérêts de chacun.

• De plus, une transformation en coopérative peut s’avérer impérative lorsque l’activité d’une association croît fortement et oblige ses fondateurs à acquérir de nouveaux fonds propres. Pour se financer, les SCIC ou SCOP ont accès aux mêmes outils financiers que toute entreprise (titres participatifs, obligations simples ou composées, prêts, avances remboursables, outils de caution et garantie…). Cependant, le premier financement d’une coopérative provient des apports en capital de ses créateurs et des réserves qu’elle doit nécessairement mettre de côté chaque année (minimum légal de 57.5% de son résultat).

• On souligne également que contrairement à la transformation en GIE, la responsabilité des associés d’une coopérative est limitée aux apports.

• Pour finir, un tel statut juridique accroît la crédibilité auprès des investisseurs et en particulier auprès des établissements bancaires qui peuvent parfois être réticents lorsqu’ils sont face à une association.

c) Définir une stratégie
Une telle modification de statut juridique ne peut se faire n’importe quand. Elle survient généralement lorsque l’activité économique n’est plus un simple moyen d’atteindre l’objet social, mais devient l’objet même de l’association. Celle-ci doit au préalable définir une véritable stratégie d’entreprise en définissant ses buts, ses objectifs, et en se positionnant sur un marché bien défini.
Aussi bien en SCIC qu’en SCOP, un tel changement implique d’acquérir un esprit d’équipe nécessaire à la bonne coopération des différents acteurs. Les salariés deviennent associés et siègent dorénavant aux assemblées générales, les usagers peuvent prendre une part importante dans la gestion de la coopérative, ainsi que d’autres tiers. C’est pourquoi les dirigeants se doivent de pratiquer un management participatif.

d) Fonctionnement d’une SCOP
• Associés
On distingue deux types d’associés :
- Les associés salariés de l’entreprise :
o 2 au minimum, 100 au maximum pour une SARL,
o 7 au minimum pour une SA.
- Les associés extérieurs « investisseurs » : personnes physiques ou personnes morales, ils ne travaillent pas dans l’entreprise et restent minoritaires.
- Par ailleurs, la loi précise qu’aucun associé ne peut détenir plus de la moitié du capital. Il n’est donc pas possible de créer une SCOP EURL.

• Capital
Le capital est variable. Il peut augmenter ou diminuer sans aucune formalité d’enregistrement.
- Pour une SARL, il doit être intégralement libéré lors de la constitution de la société. Il doit être composé d’au moins 2 parts d’une valeur unitaire minimale de 15 euros, soit un capital minimum de 30€.
- Pour une SA, il ne peut être inférieur à 18 500 euros. Les apports en numéraire doivent être libérés d’au moins un quart de leur montant au moment de la constitution de la société. Le solde doit impérativement être libéré dans les 3 ans.
Les associés peuvent donc entrer et sortir facilement de la société par voie d’apport ou de retrait de leur apport.

• Responsabilité
La responsabilité des associés est limitée à leurs apports en capital. Les dirigeants sont, comme dans toute société, responsables de leurs fautes de gestion.

• Répartition du résultat
- Une fraction minimale de 15 % est affectée à la constitution de la réserve légale (ce prélèvement cesse lorsque le montant de la réserve légale s’élève au montant le plus élevé atteint par le capital).
- Une fraction est affectée à une réserve statutaire dite « fonds de développement » (soit globalement 45 % en moyenne).
- Une « part travail » est attribuée aux salariés (minimum : 25 %), associés ou non, principalement dans le cadre d’un accord de participation.

- Une dernière fraction peut être affectée au versement de dividendes. Elle ne peut être supérieure ni aux réserves ni à la « part travail ».

• Régime fiscal
- Impôt sur les sociétés : exonération d’IS pour la fraction des bénéfices qui est distribuée aux salariés au titre de la participation salariale. Exonération des réserves dans le cas où un accord de participation dérogatoire aurait été signé. Un montant équivalent doit être investi dans les 4 ans.
- Contribution économique territoriale : exonération

e) Fonctionnement d’une SCIC
• Associés
Doivent être obligatoirement associés d’une SCIC les 3 catégories suivantes :
- des salariés de la coopérative,
- des bénéficiaires des biens et services proposés par la coopérative,
- et d’autres types d’associés, personnes physiques ou morales de droit privé ou de droit public, contribuant à l’activité de la coopérative (par exemple : des bénévoles, des entreprises, des riverains, des communes, conseils généraux ou régionaux).
En conséquence :
- une SCIC SARL doit comprendre au moins 3 associés et au plus 100,
- une SCIC SA doit comprendre au moins 7 actionnaires (pas de maximum).

• Capital
Le capital est variable. Il peut augmenter ou diminuer sans aucune formalité d’enregistrement. Les associés peuvent donc entrer et sortir facilement de la société par voie d’apport ou de remboursement par la coopérative de leur apport.
Pour une SARL : le montant du capital est librement fixé par les associés en fonction de la taille, de l’activité, et des besoins en capitaux de la société. Le capital minimum d’une SCIC SARL est de 1€.
Pour une SA : le capital social ne peut être inférieur à 18 500 euros.
Les apports doivent être libérés au minimum à hauteur du quart de la part souscrite. Les statuts doivent prévoir la libération complète des parts souscrites dans un délai maximal de 5 ans.

• Responsabilité
La responsabilité des associés est limitée à leurs apports en capital. Les dirigeants sont, comme dans toute société, responsables de leurs fautes de gestion. (idem SCOP)

• Agrément préfectoral
La SCIC doit être agréée par le préfet de département du siège de la société pour une durée de 5 ans renouvelable.
Pour obtenir l’agrément, la SCIC doit justifier de sa conformité (statuts, capital, préinscription au Registre du commerce et des sociétés, liste des dirigeants) et de son caractère d’utilité sociale.
Pour apprécier l’utilité sociale de la SCIC, le préfet vérifie notamment si l’activité de la SCIC répond à des besoins émergents ou non satisfaits, contribue à l’insertion sociale et professionnelle, au développement de la cohésion sociale, à l’accessibilité des biens et services, et dans quelles conditions l’activité est exercée.

• Régime fiscal
Application des règles de droit commun. La SCIC sera par conséquent soumise à l’impôt sur les sociétés, à la TVA et à la contribution économique territoriale comme une SARL ou une SA classique.
Seule particularité en matière fiscale : les sommes affectées aux réserves impartageables sont déduites de l’assiette de calcul de l’IS.

• Principaux inconvénients
- modalités et délais de constitution (catégories d’associés à réunir, projet à définir collectivement, statuts),
- agrément préfectoral à obtenir.




II. AUTRE ALTERNATIVE: CREATION D’UNE FILIALE A CARACTERE COMMERCIAL


1) Les enjeux de la filialisation

a) Intérêts
Le statut associatif ne permet pas d’exercer une activité commerciale. Cependant, ni la loi de 1901, ni celle du 24 juillet 1966, n’interdisent la participation d’une association au capital d’une société commerciale. De ce fait, la création d’une filiale peut être une alternative aux associations souhaitant développer une activité lucrative, tout en poursuivant leur objet initial à caractère social.

En l’absence de filialisation, l’association risque d’être assimilée à un commerçant sans pour autant bénéficier des droits qui y sont attachés.
La création d’une nouvelle personne morale présente également l’intérêt de faire naître deux patrimoines distincts. Chaque structure est donc tenue des dettes qui lui sont propres, et l’association se préserve ainsi des risques financiers de l’activité lucrative.

b) Les limites
La prise de participation d’une association dans une société commerciale n’est pas une opération bénigne et comporte des risques importants sur de nombreux plans. La filialisation ne doit pas permettre à l’association de contourner les règles qui s’imposent à elle du fait du caractère non lucratif de son activité. C’est pourquoi le législateur a mis en place un certain nombre de règles contraignantes :
• Contraintes juridiques
Une association peut être associée ou actionnaire, majoritaire ou non, d’une SA, d’une SARL, d’un GIE, voire d’une société civile immobilière ou d’une autre association. Néanmoins, l’association n’ayant pas le statut de commerçant, ne peut être associée d’une Société en Nom Collectif, ni être le commandité dans une Société en Commandite.
De plus, l’objet de la filiale doit s’inscrire dans le cadre de l’objet statutaire de l’association et contribuer à la réalisation de celui-ci. Dans le cas contraire, l’association doit procéder à une modification de son objet social pour le mettre en conformité avec celui de la filiale.
Tout contrat existant entre l’association et la filiale doit correspondre à un échange économique réel, et ne peut dissimuler un transfert de résultat susceptible de constituer un abus de biens sociaux sanctionné pénalement.

• Contraintes fiscales
L’association ne doit pas abandonner toutes ses activités non lucratives et se contenter de jouer le rôle d’une holding en encaissant les dividendes de sa filiale.
Attention, l’administration fiscale aura tendance à considérer que l’association a priori non lucrative n’aura fait que transférer dans une société commerciale une activité qui était déjà commerciale dans l’association. Elle peut alors procéder à un redressement sur les années antérieures non prescrites. C’est donc à l’association de démontrer que l’activité initiale de celle-ci présentait bien un caractère non lucratif.

De plus, il est recommandé que les responsables (administrateurs et dirigeants) de l’association ne soient pas eux-mêmes dirigeants ou associés dans la filiale, auquel cas la gestion ne serai plus considérée comme désintéressée, et l’association ne bénéficierai plus de son régime fiscal (exonération d’impôts, TVA…)

• Contraintes sociales
Conformément à l’article L 122-12 du code du travail, en cas de transfert de personnel d’une structure à l’autre, la société commerciale aura l’obligation de poursuivre l’exécution des contrats de travail et de verser la rémunération convenue.

2) Les relations de gestion entre l’association et sa filiale : 3 cas de figure distincts

a) Simple gestion patrimoniale
En l’espèce, l’association ne joue pas de rôle prépondérant et n’intervient pas dans la gestion de la société. Il s’agit le plus souvent de participation minoritaire ou de placement de trésorerie. Le caractère non lucratif de l’association ne peut alors pas être remis en cause, et les risques pour l’association sont minimes.

b) Gestion active de la filiale sans relations privilégiées
L’administration fiscale a précisé que la gestion de titres constitue une activité lucrative, notamment dans le cas où la filiale est unipersonnelle. C’est donc à l’association de démontrer qu’il ne s’agit pas de son activité prépondérante, ce qui lui permettra de conserver son statut associatif. Si tel est le cas, le régime d’imposition « mère-filiale » peut s’appliquer.

c) Relations privilégiées entre l’association et sa filiale

Caractérisent des relations dites « privilégiées », toute complémentarité économique : répartition de clientèle, échange de services, prise en compte par la société de charges afférentes à l’association, etc.
L’administration précise toutefois : « il n’y a pas lieu de relever l’existence d’une telle complémentarité du seul fait de l’existence d’une filiale ou d’un lien entre l’activité non lucrative de l’organisme et celle, lucrative, de la filiale. »



Source : S&R – septembre 2011