L’EIRL

La loi du 15 juin 2010 sur l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée a créé un nouveau statut qui vient répondre à la principale préoccupation des entrepreneurs en nom propre : la protection de leurs biens personnels en cas de faillite. Désormais, l’entrepreneur individuel peut créer un patrimoine professionnel d’affectation, qui constitue le gage des créanciers professionnels.


POUR QUI ?

Le nouveau statut d’EIRL concerne tout entrepreneur individuel, qu’il soit commerçant, artisan, exploitant agricole ou professionnel libéral. Un nouvel article L 526-6 du Code de commerce dispose que : « tout entrepreneur individuel peut affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, sans création d’une personne morale nouvelle ». Sont notamment visés par ce nouveau statut : les créateurs d’entreprise, les entreprises préexistantes ainsi que les auto-entrepreneurs qui vont pouvoir conserver leur régime fiscal et social forfaitaire.

COMMENT CONSTITUER UN PATRIMOINE D’AFFECTATION ?

La constitution du patrimoine affecté résulte du dépôt d’une déclaration effectuée selon les cas :

•         soit au registre de publicité légale auquel l’entrepreneur individuel est tenu de s’immatriculer ;

•         soit au registre de publicité légale choisi par l’entrepreneur individuel en cas de double immatriculation (situation des artisans immatriculés au répertoire des métiers qui sont tenus de s’immatriculer également au registre du commerce s’ils effectuent des actes de commerce) ;

•         soit pour les personnes physiques qui ne sont pas tenues de s’immatriculer à un registre de publicité légale (essentiellement les professionnels libéraux) ou pour les exploitants agricoles, à un registre tenu au greffe du tribunal statuant en matière commerciale du lieu du principal établissement.

DE QUOI EST COMPOSE UN PATRIMOINE D’AFFECTATION ?

Le patrimoine affecté de l’EIRL comprend :

•         l’ensemble des biens, droits, obligations ou sûretés dont l’entrepreneur individuel est titulaire et qui sont nécessaires à l’exercice de son activité professionnelle ;

•         et/ou les biens, droits, obligations ou sûretés dont l’entrepreneur individuel est titulaire et qui sont utilisés (sans y être affectés par nature) pour l’exercice de son activité professionnelle et qu’il décide d’y affecter.

Les biens peuvent être affectés à un seul patrimoine. Ce n’est qu’à compter du 1er janvier 2013 qu’un même entrepreneur individuel pourra constituer plusieurs patrimoines affectés.

Les éléments affectés dont la valeur déclarée unitaire est supérieure à un montant à fixer par décret (30 000 €) doit faire l’objet d’une évaluation au vu d’un rapport annexé à la déclaration et établi sous sa responsabilité par un commissaire aux comptes, un expert-comptable, une association de gestion et de comptabilité (ou un notaire en présence d’un bien immobilier et uniquement pour l’évaluation de ce bien).

QUELLE EST LA PORTEE DE CETTE DECLARATION D’AFFECTATION ?

La déclaration est opposable de plein droit aux créanciers dont les droits sont nés postérieurement à son dépôt. Pour les créanciers dont les droits sont nés antérieurement au dépôt de la déclaration d’affectation, la déclaration n’est opposable qu’à la condition que l’entrepreneur individuel le mentionne dans la déclaration et en informe les créanciers dans des conditions fixées par voie réglementaire. Les créanciers concernés peuvent former opposition à ce que la déclaration leur soit opposable dans un délai fixé par voie réglementaire. Une décision de justice rejette l’opposition ou ordonne soit le remboursement soit la constitution de garanties.

DE QUEL REGIME FISCAL RELEVE L’EIRL ?

L’EIRL est assimilée fiscalement à une EURL et est de plein droit soumis à l’impôt sur le revenu. Le bénéfice réalisé par l’EIRL est imposable selon les règles applicables à la catégorie des revenus correspondant à la nature de son activité : BIC, BA ou BNC. Selon qu’il respecte les seuils ou non, il relèvera du régime micro, du régime réel normal ou simplifié. Le régime de l’auto-entrepreneur peut également être adapté dans la mesure ou ce régime n’est pas incompatible avec le statut de l’EIRL.

Toutefois, l’entrepreneur ayant choisi d’exercer son activité dans le cadre d’une EIRL relevant d’un régime réel d’imposition va pouvoir opter à l’impôt sur les sociétés sans devoir obligatoirement créer une personne morale. Dans ce cas, le bénéfice réalisé par l’EIRL est imposé au taux réduit de 15% jusqu’à 38 120 € et 33 1/3 % au-delà.

COMMENT EST TAXEE LA REMUNERATION DE L’ENTREPRENEUR INDIVIDUEL ?

Si l’EIRL est soumise à l’impôt sur le revenu, l’entrepreneur est personnellement soumis à l’impôt sur le revenu sur la totalité des bénéfices sociaux dans la catégorie des revenus correspondants à l’activité de la société (BIC, BNC ou BA). Il est assujetti aux cotisations sociales sur l’intégralité du bénéfice dégagé par son entreprise, que les sommes soient ou non prélevées.

Si l’entrepreneur a opté pour l’impôt sur les sociétés, l’exploitant n’est passible de l’impôt sur le revenu qu’à hauteur des sommes versées en tant que rémunération ou prélevées en tant que « dividende ». La rémunération de l’entrepreneur est déductible de la base d’imposition mais imposable à l’impôt sur le revenu (article 62 du Code général des impôts). Les sommes prélevées sur les bénéfices sont taxées selon le régime des revenus de capitaux mobiliers (dividendes) avec application des crédits d’impôts et abattements. La part de bénéfices appréhendés par l’entrepreneur sous forme de dividendes est soumise à cotisations sociales si elle excède :

•          10 % de la valeur des biens du patrimoine affecté constaté en fin d’exercice ;

•          ou 10 % du montant du bénéfice net si ce dernier montant est supérieur.

UNE ATTENTION PARTICULIERE CONCERNANT LA RESPONSABILITE DES PROFESSIONS REGLEMENTES

L’exercice de certaines professions réglementées entraîne une responsabilité civile du professionnel exerçant son activité. Cette responsabilité civile ne permet pas de protéger le patrimoine privé du professionnel. Il existe néanmoins une solution consistant à protéger une partie de son patrimoine privé : la déclaration d’insaisissabilité. Depuis l’entrée en vigueur de la loi LME du 4 août 2008, cette protection du patrimoine de l’entrepreneur individuel est étendue à « tout bien foncier bâti ou non bâti » non affecté à l’usage professionnel.

A peine de nullité, la déclaration d’insaisissabilité doit être faite par acte notarié, et doit être publiée au bureau des hypothèques du lieu de situation de l’immeuble. Cette déclaration doit également être mentionnée sur un registre de publicité légale à caractère professionnel (Registre du Commerce, Répertoire des Métiers, etc…) ou publiée dans un journal d’annonces légales du département où l’activité est exercée, quand la personne n’est pas tenue de s’immatriculer.

Les effets de la déclaration d’insaisissabilité vont durer :

•         jusqu’à la date à laquelle l’entrepreneur va décider de révoquer cette déclaration,

•         ou jusqu’à la vente de la résidence principale de l’entrepreneur,

•         ou jusqu’à la date du décès de l’entrepreneur.

Dans le cas de la vente de la résidence principale, il convient de préciser que l’insaisissabilité va pouvoir se poursuivre sur le prix de vente de la résidence principale, et sur les biens acquis en remploi de ce prix. Cette disposition est valable dans la mesure où :

•         ce remploi sera effectué dans le délai d’un an,

•         le bien concerné sera acquis à titre de résidence principale,

•         l’acte d’acquisition contiendra mention de cette déclaration de remploi.

En cas de dissolution du régime patrimonial de l’entrepreneur, les effets de la déclaration d’insaisissabilité subsistent si celui-ci est attributaire des biens concernés.



Sources : S&R – Infodoc – Septembre 2010